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Quand un confiseur fait flamber le cours du cacao

25/11/2020
Source : Les Echos.fr
Catégories: Matières Premières

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La tonne de cacao a gagné près de 25 % sur une semaine, poussant le fabricant de chocolat Hershey à s'approvisionner sur le marché à terme américain. Une stratégie inhabituelle pour contourner les primes de revenu décent imposées par la Côte d'Ivoire et le Ghana.

Le cours du cacao s'emballe mais les déprimes liées au confinement et l'approche des fêtes de Noël n'y sont pour rien. Sur le marché à terme de New York, le prix du cacao pour livraison en décembre a grimpé de plus de 25 % la semaine dernière pour atteindre près de 3.000 dollars la tonne ce mardi, un niveau jamais vu depuis 2016. Et fait inhabituel, ce n'est pas un spéculateur, mais le géant américain de la confiserie Hershey qui se cacherait derrière cette hausse.

Selon plusieurs médias, dont l'agence Bloomberg qui cite des témoins des transactions, le confiseur se serait tourné vers l'InterContinental Exchange (ICE) de New York pour s'approvisionner en cacao. Une stratégie surprenante, les fabricants de barres chocolatées ayant pour habitude d'acheter des fèves directement auprès des négociants ou des pays producteurs.

Instruments de couverture

Les contrats à terme sur les marchés de New York ou de Londres sont des instruments financiers utilisés par les acteurs physiques pour se couvrir contre la fluctuation des prix, ou par des financiers pour spéculer sur la matière première en s'arrangeant pour ne jamais être livrés.

L'intérêt pour Hershey ? Depuis quelques semaines, la Côte d'Ivoire et le Ghana, qui produisent à eux seuls 60 % du cacao dans le monde, ont imposé une prime de 400 dollars par tonne pour mieux rémunérer les planteurs, via le différentiel de revenu décent ou DRD.

Economies

Acheter sur le marché à terme permet donc à Hershey d'économiser des millions de dollars, les fèves issues des entrepôts de l'ICE n'incluant pas le DRD, soit environ 15 % du prix de marché. L'acheteur ne maîtrise toutefois pas la qualité de la marchandise livrée.

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Le confiseur se défend de vouloir contourner la prime de revenu décent : « Nous achetons du cacao d'une variété de sources », a réagi le confiseur auprès de l'AFP. « Nous payons le différentiel de revenu décent » sur la récolte qui débute « et en plus, nous investissons dans l'éducation agricole », a précisé le groupe.

L'effet de la prime

Chez SMA Gestion le gérant matières première Benoît Hélin est lui aussi sceptique : « On observe un intérêt pour les dénouements physiques en cette fin d'année, mais rien qui ne sorte vraiment des ordres de grandeurs habituels à date pour la période. » La hausse des cours ? C'est lié à la prime qui est petit à petit intégrée : « le DRD a forcément un effet inflationniste dans un marché en voie de cartellisation », analyse l'expert.

A court terme, c'est « une conjonction de facteurs qui explique le rattrapage des prix », ajoute son collègue Sylvain Berthelet de SMA Gestion : la demande des industriels n'est « pas si atone qu'on ne le pensait » à l'approche des fêtes. Le gérant évoque le report vers les marchés à terme avec des prix plus bas que sur le marché physique. Et plus particulièrement vers celui de New York dont les stocks sont réputés de meilleure qualité qu'à Londres. Les fèves issues des réserves londoniennes proviennent beaucoup du Cameroun et sont plus délicates à transformer.

Le prix du cacao est un sujet sensible en Afrique de l'ouest. « L'or brun » fait vivre autour de 5 millions d'Ivoiriens, il représente entre 10 % et 15 % du PIB de la Côte d'Ivoire et jusqu'à 40 % de ses recettes à l'exportation. Mais les conditions de vie des planteurs sont peu reluisantes. La Banque Mondiale estime que 80 % d'entre eux vivent avec moins de 3 dollars par jour. Les pays exportateurs captent environ 5 % de ce marché de 100 milliards de dollars quand les Etats consommateurs captent 15 %, rien qu'avec la TVA sur les barres chocolatées.

Marché excédentaire

La Côte d'Ivoire et le Ghana ont donc décidé de s'associer en créant une sorte d'Opep du cacao pour mieux valoriser cette ressource. Malgré des discussions tendues, les industriels ont accepté le principe de DRD d'autant que le prix du cacao est marginal dans la valeur ajoutée d'une tablette. Les industriels peuvent très bien absorber la hausse des prix ou la faire passer au consommateur.

Depuis les négociations, les fondamentaux du marché ont basculé ce qui peut expliquer la réticence des fabricants à intégrer cette prime. Avec la crise sanitaire et les mesures de confinement, la consommation de chocolat a nettement chuté. La récolte s'annonce abondante et le marché excédentaire l'année prochaine. Le potentiel de hausse à long terme est donc limité selon Stefan Vogel, analyste chez Rabobank : « le cacao se heurte au mur de la demande des consommateurs ».


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