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Retrouvez toute l'information économique et financière sur notre application Orishas Direct à Télécharger sur Play StoreL’Afrique du Sud et le Rwanda en ont été précurseurs. Depuis lors, les pays du Continent s’emboîtent le pas
dans la renégociation des conventions fiscales nouées à partir des années 1990 avec l’île Maurice. Mais en
amont, le processus, pas toujours aisé, doit souvent (voire toujours) être empreint d'insistance et de fermeté de la
part des Etats. Décryptage.
« Je pense naturellement que les Mauriciens n'aiment pas ce qui est en train de se passer. Mais dans une
démarche très diplomatique, nous mettons des arguments solides sur la table. Nous leur disons qu'au regard de
l'évolution de la fiscalité internationale, même pour eux, ce type convention est devenu gênant », confie à La
Tribune Afrique une source au sein de l'administration fiscale sénégalaise qui requiert l'anonymat. « C'était un
accord politique » Le Sénégal est en effet l'un des rares pays à dévoiler une estimation chiffrée du manque à
gagner occasionné par la convention d'évitement de double imposition qui le lie depuis le 17 avril 2002 à île
Maurice. Les autorités dakaroises ont parlé l'année dernière de plus de 257 millions de dollars de recettes
fiscales manquées sur 17 ans. Magueye Boye, inspecteur des impôts et négociateur en chef du traité sur le
Sénégal a pratiquement qualifié cette convention de « traité le plus inégal pour le Sénégal parmi tous les traités »
signé par son pays. Selon notre source, tout aurait commencé par un déplacement de Mauriciens au Sénégal
vers 2001. Leur proposition : des investissements « de plusieurs centaines de milliards de Fcfa ». « Les
Mauriciens avaient imposé une seule condition, à savoir la signature d'une convention fiscale entre les deux
pays. Le président Wade [Chef de l'Etat de l'époque, NDLR] avait pris une délégation sans y inclure des
techniciens et leur a dit qu'il fallait rapidement signer. Et comme l'ordre venait d'en haut, la convention a été
signée », nous explique ce responsable sénégalais. Et d'ajouter: « c'était donc un accord politique ». En juin
dernier, le gouvernement dénonce ce traité, conformément aux clauses. « Nous avions contacté les Mauriciens
par courrier à trois reprises sans retour. C'est la raison pour laquelle nous avons dénoncé », explique notre
source. La Tribune Afrique a consulté une copie de ladite convention. Une chose interpelle. L'article 29 stipule
clairement que la convention ne pouvait être rompue avant « les cinq ans suivant son entrée en vigueur ». Et les
autres accords bilatéraux disponibles contiennent tous cette clause. Les Mauriciens concevaient-ils les accords
de cette façon pour se garantir une manne fiscale sur au moins cinq années ? Depuis lors, les renégociations se
poursuivent et le Sénégal pense pouvoir « bientôt » conclure ce chapitre. Mais cet Etat ouest-africain n'a fait
qu'emboîter le pas à plusieurs autres pays du Continent qui ont fini par ouvrir les yeux sur les conventions
signées avec Maurice. L'Afrique du Sud et le Rwanda en ont été précurseurs. Une renégociation « un peu difficile
pour dire la vérité » C'est en mai 2015 que le nouvel accord fiscal entre l'île Maurice et l'Afrique du Sud est entré
en vigueur, suite à la renégociation en 2013 de l'accord initial de 1999. Le Rwanda évolue quant à lui avec un
nouvel accord fiscal qui le lie à Maurice depuis le 20 avril 2013. Mais comme le Dakar, Kigali a dû passer en
force. « Cela a été un peu difficile pour dire la vérité. Nous avons approché nos collègues de Maurice par courrier
comme le prévoit la convention. Nous leur avons écrit une première fois, une deuxième, une troisième fois et
avons été obligés, tel que le stipule la convention, d'arrêter tout simplement la convention. Ce qui a poussé l'île
Maurice à demander la renégociation », nous explique Aimable Kayigi, Commissaire chargé des impôts
nationaux à la Rwanda Revenue Authority. Tout comme aux autres pays, il a fallu du temps au gouvernement
rwandais pour se rendre compte de l'inégalité des clauses de l'accord. « Ce n'est que cinq ans après la mise en
œuvre de cet accord qu'on s'est rendu compte qu'il y avait pas mal de problèmes à régler du côté du Rwanda. Je
vais en évoquer un seul », explique le responsable. « L'accord, poursuit-il, stipulait que si un Rwandais ou un
Mauricien prête un service dans l'un des deux pays, il ne serait pas imposé. Ainsi présenté, l'accord semblait être
gagnant-gagnant, mais il ne l'était pas en réalité, parce que l'île Maurice était plus avancée en matière de prestation de services. Nous, Rwandais, étions donc beaucoup plus bénéficiaires de services que prestataires.
De ce fait, nous étions les plus grands perdants en termes de droits d'imposition sur les services importés. C'est
la raison principale qui nous a poussés à renégocier cet accord, du premier article au dernier, afin de partager les
droits d'imposition ». Un bonus de 3 à 4 millions de dollars par an au Rwanda « Nous avons également travaillé
sur les écarts existants qui profitaient à certains contribuables, car suite à l'étude que nous avions réalisée, nous
avions découvert que certaines entreprises venaient de partout le monde et préféraient s'enregistrer à Maurice,
afin de prester des services au Rwanda sans y payer les impôts. Nous avons renégocié tous ces aspects »,
explique ce responsable qui représentait le directeur général de la l'Autorité fiscale rwandaise à la grande messe
de la fiscalité organisée à Kampala du 19 au 22 novembre par le Forum sur l'administration fiscale en Afrique.
Les Rwandais ont tout passé au peigne fin : services techniques (chantiers de constructions, ...), services aux
entreprises, dividendes, royalties, ... Aujourd'hui, les droits d'imposition du Rwanda dans la convention sont
passés de 0% à 10%, 12% ou 15% selon les cas. Résultat : « un très grand changement » au niveau de ses
recettes fiscales qui seraient annuellement majorées de 3 à 4 millions de dollars suite à la renégociation.
Mobilisation internationale à l'accent panafricain Depuis lors, plusieurs pays du continent reconsidèrent leur
convention fiscale avec l'île Maurice, poussés par une mobilisation internationale. L'OCDE en a été, à plusieurs
reprises, le porte-voix. Dans son rapport « Conventions fiscales, conventions inégales » dénonçant entre autres
les pratiques fiscales mauriciennes, l'ONG internationale basée à Johannesburg, Action Aid, se montre
catégorique : « les pays aux revenus plus faibles ne devraient pas signer de convention fiscale défavorable avec
d'autres gouvernements qui leur retirent leur pouvoir fiscal ». En juillet dernier lors d'une interview accordée au
Southern Times, Tax Justice Network Africa -une organisation panafricaine basée à Nairobi- appelle « tous nos
gouvernements africains à revoir les conventions fiscales existantes, en particulier celles signées avec les
paradis fiscaux pour s'assurer qu'elles n'entraînent pas l'érosion de l'assiette fiscale de ces pays. Il est nécessaire
que nos gouvernements fassent une large consultation et élaborent des traités qui combleront les lacunes
actuelles qui sont manipulées par les multinationales », a déclaré Alvin Mosioma, directeur exécutif du TJNA,
saluant la démarche du Sénégal et soulignant la « réussite » de l'ONG au Kenya où sa levée de boucliers a
poussé Nairobi à renégocier avec l'île Maurice. Le Kenya est en effet le dernier pays à s'être prêté à l'exercice.
En octobre 2019, une nouvelle convention fiscale a été signée avec l'île, pour rompre avec celle de 2012. Ici, le
processus se veut révolutionnaire, car, Maurice est identifié comme le premier investisseur privé direct africain,
avec 1,08 milliard de shillings en 2017, selon le Kenya National Bureau of Statistics (KNBS). Mais le précédent
accord serait responsable d'environ 3,13 milliards de dollars de pertes en recettes fiscales au cours des deux
dernières années selon The Star. L'île pourrait encore renégocier malgré sa sortie de la liste grise de l'UE A
Maurice, les services financiers -principale source de la manne fiscale pour le pays- représentent 70% du PIB.
L'île a, dès le début des années 1990, multiplié les conventions fiscales avec aujourd'hui 14 pays du Continent. Si
la renégociation n'est pas toujours aisée, les Mauriciens -que nous avons en vain tenté d'interviewer- préfèrent
cela à la rupture complète des accords. D'ailleurs, ce sera l'une des principales missions de Renganaden
Padayachy et Mahen Seeruttun, respectivement nouveaux ministres des Finances et du développement
économique, et des Services financiers et de la bonne gouvernance. D'autant que selon le consortium ICIJ qui,
en juillet dernier, fustigeait la politique fiscale mauricienne dans son enquête « Mauritius Leaks », l'Egypte,
l'Ouganda, le Lesotho, le Zimbabwe et la Zambie ont « tous déclaré que ces traités avec Maurice étaient
paralysants ». Le 10 octobre dernier, l'Union européenne (UE) a retiré l'île Maurice de sa liste grise des
juridictions considérées comme des paradis fiscaux, pour s'être engagée à un dialogue pour remédier à ses
manquements en termes bonne gouvernance fiscale. Interviewé par L'express quelque temps après sa prise de
fonction, Mahen Seeruttun sa stratégie qui consiste à « refaire l'image de la juridiction » mauricienne à
l'international. Toutefois, les projecteurs restent braqués sur Port-Louis. « Je comprends, lorsqu'on est une île et
qu'on n'a que le tourisme et la pêche, se positionner en centre financier permet de capter la richesse mondiale.
C'est ce que presque toutes les îles ont fait. Mais ce modèle correspondait à une certaine époque. Tout est une
question de contexte. Après la crise financière de 2008, le G20 et certains Etats du monde ont jugé utile de
corriger certaines externalités négatives. Ce qui a conduit à ce regard plus marqué et généralisé sur les politiques
fiscales », développe notre source sénégalaise. Vers un taux d'IS minimum mondial de 12,5% ? Au dernier
Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales qui s'est tenu au siège de
l'OCDE à Paris le 26 novembre dernier, les questions d'évasion et d'optimisation fiscales par les entreprises
internationales au travers notamment des conventions fiscales bilatérales étaient au cœur des débats. Une
proposition du ministre français des Finances, Bruno Le Maire, fait actuellement l'objet d'un examen sérieux : un
taux d'impôt minimum mondial de 12,5% sur les bénéfices des entreprises.
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