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Liberté : Le choc pandémique provoqué par la propagation du Covid-19 a eu des conséquences néfastes sur l’industrie pétrolière mondiale, à peine remise des conséquences de la chute des prix de 2014. À quels enjeux et défis les compagnies pétrolières doivent-elles faire face pour pourvoir rebondir ?
Francis Perrin : L'année 2020 est effectivement un très mauvais exercice pour l'industrie pétrolière internationale avec des pertes financières massives, notamment au cours du premier semestre, une réduction importante des coûts et des investissements et, dans plusieurs cas, en particulier en Amérique du Nord, des faillites et des fusions/acquisitions. Ces difficultés sont bien sûr la conséquence directe de la baisse de la consommation pétrolière mondiale en 2020 et de l'effondrement des prix du brut au cours des quatre premiers mois de l'année.
Sur ce point, la situation s'améliore pour les acteurs pétroliers. Le prix du Brent de la mer du Nord dépasse 50 dollars le baril, alors que sa moyenne n'était que de 18 dollars/baril en avril, et la consommation pétrolière repartira inévitablement à la hausse en 2021. Mais il faut rester prudent et flexible car il y a de possibles facteurs baissiers pour les prix du pétrole l'an prochain, par exemple une hausse de la production de l'Iran si la future Administration Biden lève ou suspend des sanctions économiques imposées contre ce pays par l'Administration Trump.
Il y a, par ailleurs, les défis du changement climatique qui sont d'une autre nature que ceux liés à la pandémie de Covid-19. Ces derniers sont fort importants, mais relèvent surtout du court terme pour les acteurs pétroliers, alors que le changement climatique est un défi qui s'inscrit à la fois dans le moyen terme, le long terme et le très long terme. Le cas d'ExxonMobil, premier groupe pétrolier privé dans le monde, illustre bien ces divers défis.
Le géant américain a annoncé récemment de fortes dépréciations d'actifs (on purge le court terme), le lancement d'un nouveau développement pétrolier en Guyana (Amérique du Sud) à un coût de 9 milliards de dollars avec mise en production en 2024, une découverte d'hydrocarbures au large du Surinam (Amérique du Sud) et un plan pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. On gère le court terme et on prépare le moyen et le long terme.
En Algérie, la baisse des investissements dans les hydrocarbures est antérieure à la pandémie. La nouvelle loi sur les hydrocarbures est-elle en mesure de faire repartir la croissance du secteur dans le contexte de crise que traverse actuellement l’industrie pétrolière mondiale ?
Il est tout à fait exact que les compagnies pétrolières étrangères investissaient beaucoup moins en Algérie que par le passé bien avant la crise de la Covid-19 en 2020. Le paradoxe est que les deux dernières réformes de la loi sur les hydrocarbures, en 2013 et fin 2019, sont intervenues peu avant deux périodes très difficiles pour le secteur pétrolier et gazier : la chute des prix entre l'été 2014 et le début 2016 et la pandémie en 2020. Cela dit, il ne faut pas enterrer trop vite cette dernière réforme.
Il y a des points intéressants pour les investisseurs étrangers, notamment, et pas uniquement pour l'offshore et les hydrocarbures non conventionnels. Depuis un an, de nombreuses compagnies étrangères ont manifesté un intérêt pour une coopération avec la Sonatrach dans le cadre des nouvelles dispositions législatives. On peut citer Eni (Italie), ExxonMobil et Chevron (États-Unis), Lukoil et Zarubezhneft (Russie), OMV (Autriche), Cepsa (Espagne), Total (France), Wintershall (Allemagne) et TPAO (Turquie).
C'est une première étape qui conduit à des négociations avec la compagnie nationale, même si rien ne dit que celles-ci déboucheront sur des accords. Dans cette liste, Eni est déjà passé à l'action. Mais un point positif est que, en dépit de tout ce qui s'est passé en 2020, plusieurs firmes étrangères restent intéressées par le potentiel de l'exploration et du développement des hydrocarbures en Algérie. Un autre élément intéressant est que certaines d'entre elles ne travaillent pas actuellement dans le pays.
Des spécialistes pensent que pour de nombreux pays pétroliers, l’après Covid-19 sera nécessairement celui de la transition énergétique. Serait-ce aussi le cas pour l’Algérie d’après vous ?
Je pense que l'on va un peu vite en besogne. La transition énergétique, c'est-à-dire la montée en puissance d'énergies non carbonées et le déclin progressif des énergies fossiles, a débuté avant la pandémie et se poursuivra après.
Covid ou pas, la communauté internationale a pris des engagements en matière de lutte contre le changement climatique à travers l'Accord de Paris (Cop 21) en décembre 2015 et la transition énergétique s'impose de façon impérative. Mais le poids des énergies fossiles (pétrole, gaz naturel et charbon) est tel au niveau mondial (80-85% de la consommation mondiale d'énergie) que celles-ci resteront fort importantes pendant encore pas mal de temps.
L'Algérie restera longtemps un pays producteur d'hydrocarbures, mais il est essentiel de diversifier l'économie qui est trop dépendante du pétrole et du gaz naturel, ceux-ci représentant toujours environ 95% des exportations nationales. Cette diversification se justifie donc par des raisons climatiques, mais aussi économiques, industrielles, sociales et stratégiques.
Cela vaut pour l'Algérie comme pour tous les pays en développement ou émergents très dépendants du pétrole et du gaz. Mais cette transition sera longue, difficile et coûteuse, et c'est une partie des revenus du secteur des hydrocarbures qui permettra de financer cette transition. Il ne faut donc pas jeter le bébé avec l'eau du bain. L'Algérie a des atouts importants en matière d'énergies renouvelables, notamment le solaire, et des stratégies ont été adoptées pour le développement de ce secteur. Il est temps de passer la vitesse supérieure.
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21/04/2022 - Secteurs
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