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Le café , un trésor national

25/11/2020
Source : Courrier International
Catégories: Economie/Forex Matières Premières

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La Colombie est l'un des premiers pays producteurs mondiaux de petites baies rouges. Même si l'année 2020 semble exceptionnelle, le secteur reste soumis aux aléas des marchés.

José Eliécer Sierra espère que 2020 sera l'“année de la rédemption”. La grande récolte a commencé. Dans son exploitation, accrochée aux collines de Pueblo Rico (département d'Antioquia, dans le nord-ouest du pays), les arbres sont chargés de baies rouges [on parle de “cerises”] et s'agitent au passage des 25 ouvriers chargés de la cueillette, qui, l'œil vif et le geste sûr, sélectionnent les grains mûrs. Comme des centaines d'agriculteurs, José Eliécer est habitué aux difficultés d'une culture qui exige la fer veur d'un amoureux. Depuis vingt-cinq ans qu'il produit du café, “il y a eu des périodes bonnes, moyennes et mauvaises”, comme en 2019, quand le sac [de 125 kilos] s'échangeait à 500 000 pesos [environ 115 euros]. Aujourd'hui, la situation s'est améliorée. Ces six derniers mois, le prix du café s'est maintenu au-dessus du million de pesos et les cultivateurs espèrent vivement que la récolte de la fin de l'année, qui représente 70 % de la production, sera la meilleure depuis longtemps.

Fragiles, inconstants, les prix montent et descendent avec une facilité déconcertante. Le problème ne date pas d'hier. Ainsi en 1888, le caudillo [du Parti libéral] Rafael Uribe, qui fut à la tête de la plus grande entreprise de café du département de Cundinamarca [dans le centre du pays], disait à propos des difficultés des producteurs de café : “Ceux qui cultivent du café vivent dans un climat plus incertain et risqué que celui des engraisseurs de bétail ou des producteurs de pommes de terre. Tandis qu'ils plantent le café ou qu'ils engrangent la première récolte, le panorama des prix peut changer radicalement.”

La jauge brésilienne. Plus de cent trente ans après, José Eliécer soulignait en 2019 dans une déclaration à la presse que le fossé entre les coûts de production et le prix de vente ne cessait de se creuser : “Produire un sac de café revient à 800 000 pesos [185 euros], et nous vendons en dessous de 700 000. C'est une perte d'environ 100 000 pesos par sac. Ces prix pourraient nous mener à la faillite.”

Loin de penser à la ruine, les cultivateurs espèrent que cette année, le café leur rapportera environ 9 000 milliards de pesos [plus de 2 millards d'euros], un chiffre encore jamais atteint. Selon Álvaro Jaramillo, directeur général du Comité des producteurs de café d'Antioquia, la production nationale devrait largement dépasser les 14 millions de sacs, et ce pour la sixième année consécutive [fin octobre, la production s'établissait à 13,9 millions de sacs, en baisse de 2 % par rapport à l'année précédente]. Pour analyser le prix du café, il faut regarder vers le sud, c'est-à-dire vers le Brésil, premier producteur mondial. Le prix du grain colombien dépend dans une large mesure des aléas de la culture chez le grand voisin. “Ils viennent d'annoncer une récolte historique de 65 millions de sacs, ce qui n'est pas bon pour nous”, explique Jaramillo.

Fragiles, inconstants, les prix montent et descendent avec une facilité déconcertante.

Cette année, la grande récolte [de septembre à décembre] a lieu dans des circonstances particulières : la pandémie a fait grimper les prix du café ; le taux de change dollar/peso bénéficie aux exportateurs ; et enfin la demande mondiale de café a augmenté de 2,2 % par an sur les cinq dernières années, selon l'Organisation internationale du café [qui regroupe les principaux producteurs]. En Colombie même, la consommation a augmenté de 3 %.

Les bons prix ont rempli d'optimisme les producteurs de café. Depuis la mi-septembre, les exploitations bourdonnent d'activité. Les cueilleurs itinérants, qui sillonnent le pays en suivant les récoltes, arrivent aux gares routières depuis Sucre, Bolívar, Nariño et d'autres endroits où l'on ne récolte pas le café à cette période [la cueillette s'étale sur toute l'année selon le climat des régions dans le pays].

Les cueilleurs les plus experts, les “fusées”, sont capables de récolter 300 kilos en une journée.

Suivant l'exploitation, les producteurs les paient entre 400 et 600 pesos le kilo. Chaque ouvrier agricole récolte en moyenne 120 kilos. Les plus experts, ceux qu'on appelle les “fusées”, sont capables de cueillir 300 kilos de café en une seule journée. Les cueilleurs dorment dans les exploitations, qui leur facturent entre 8 000 et 16 000 pesos [entre 1,8 et 3,6 euros] pour la nuit et les trois repas.

Cette année, à cause du Covid19, des lavabos et des tuyaux ont été installés pour le lavage des mains. La distanciation sociale est de mise et il faut remplir un registre à l'entrée de chaque exploitation. Si la récolte est meilleure [dans la région d'Antioquia], les réalités sont différentes d'une région de Colombie à l'autre.

Ainsi la culture du café est-elle reine dans le département d'Antioquia : sur ses 125 municipios [cantons], 95 produisent la petite baie rouge. Sa production arrive au deuxième rang après celle de Huila [dans le sud du pays] qui, contrairement à d'autres régions, présente deux récoltes de même volume par an.

Dans les montagnes andines de Caldas [au sud d'Antioquia] dans le municipio de Chinchiná, on trouve les cultures de La Meseta, la plus grande exploita-tion de café de Colombie. Sur ses plus de 800 hectares poussent environ 4 millions de caféiers. Au plus fort de la récolte, l'en-treprise emploie 1 500 ouvriers pour la cueillette.

Un engagement. Loin de la principale zone de production du café, Sven Erik Alarik cultive quant à lui sa marque dans une exploitation à Moniquirá, dans le département de Boyacá [dans le centre du pays]. Son père suédois est arrivé dans ce village dans les années 1970 et s'est installé définitivement sur cette terre. Les produits de Sven, lauréat du prix du meilleur café du Boyacá en 2018, entrent dans la catégorie des cafés spéciaux [de qualité supérieure].

Sur le territoire de Boyacá vivent de petits cultivateurs qui possèdent en moyenne 1,3 hectare, comme 96 % des producteurs de café du pays. Toutes les semaines, Sven reçoit des appels de paysans qui aimeraient travailler sur son exploitation. “Dans les villes de la région, il y a beaucoup de chômeurs, prêts à faire n'importe quel travail à la campagne”, explique-t-il. Sven s'est arrangé avec un autre cultivateur pour que les cueilleurs soient employés sur les deux exploitations, afin d'avoir plus de travail.

Malgré les crises – baisses de prix ou maladies du caféier –, le café reste un symbole de la Colombie. Aujourd'hui, plus de 540 000 familles en vivent sur une superficie totale de 853 000 hectares répartie sur 23 départements. José Eliécer continue à croire au café, comme quand il était adolescent et qu'il usait ses chaussures [d'uniforme] de collégien en participant à la récolte dans les exploitations d'autrui. Quand on lui demande si, dans les moments difficiles il a songé à renoncer, il répond : “Jamais. Ce travail, c'est un vrai engagement. Chaque exploitation de café qui ferme a pour conséquence que beaucoup de gens ne pourront plus retrouver de travail.”


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