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Déficits budgétaires, devises sous pression, services publics affectés… avec la chute des cours du brut, les pays
dépendants du pétrole entrent dans une zone de turbulences.
Avec le risque d'accroître une instabilité sociale et politique déjà endémique pour certains.
La guerre des prix qui fait rage depuis lundi sur le marché du pétrole plonge la planète énergie dans l'incertitude.
Au point que Donald Trump s'est entretenu au téléphone avec le prince héritier saoudien lundi pour évoquer la
chute des cours. Les prix du brut se sont nettement ressaisis mardi. Le brent gagnait plus de 5 % dans
l'après-midi, repassant la barre des 36 dollars le baril. Mais personne ne se risque à prédire une remontée
durable, tant les forces déclenchées par Riyad et Moscou sont puissantes.
L'Arabie saoudite, troisième producteur mondial, a fait savoir qu'elle augmentait sa production de 25 % à partir du
1er avril, passant à 12,3 millions de barils par jour, un record. Ces volumes sont même supérieurs aux capacités
du Royaume, ce qui signifie que la compagnie nationale, Aramco, va puiser dans ses stocks pour mettre le plus
de volumes possible sur le marché.
Pire qu'en 2015
La Russie a répliqué quelques minutes plus tard. Le pays peut augmenter sa production de 500.000 barils par
jour, a annoncé le ministre de l'Energie, Alexandre Novak. La Russie passerait ainsi à 11,8 millions de barils, un
record là aussi.
Sous le choc, les pays producteurs commencent à évaluer l'impact, sans doute durable, sur leur économie. « La
situation est encore plus compliquée que lors du précédent effondrement des cours en 2015, car l'augmentation
de l'offre de pétrole se combine à une immense incertitude sur l'évolution de la demande à cause de l'épidémie »,
souligne Marc-Antoine Eyl-Mazzega, directeur du Centre énergie de l'Ifri. « En 2015, l'économie mondiale était
dans une phase de reprise, alors que nous sommes aujourd'hui en période de ralentissement », ajoute Catharina
Hillenbrand-Saponar, chez l'assureur-crédit Euler Hermes.
Situations déjà explosives
Parmi les pays les plus touchés, certains sont déjà en difficulté parce qu'ils pâtissent depuis l'an dernier de la
chute des cours du gaz. C'est le cas de l'Algérie, du Nigeria et de l'Angola. « Ce sera très dur pour eux », déplore
Marc-Antoine Eyl-Mazzega.
Pour d'autres Etats, la chute de la rente pétrolière accentuera une situation sociale et politique déjà explosive.
C'est le cas singulièrement de l'Irak, l'un des principaux membres de l'Opep, qui a besoin d'un baril à 60 dollars
pour équilibrer son budget. « Bagdad aura du mal à financer des services publics essentiels comme la santé et
l'éducation », estime Fatih Birol, le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie. « Devenu un lieu
d'affrontement entre sunnites et chiites et un enjeu pour l'Iran et l'Arabie saoudite, l'Irak est particulièrement
instable, poursuit le chercheur de l'Ifri. Daech pourrait en profiter pour revenir en force. »
La plupart des pays producteurs n'ont pas réussi à réduire leur dépendance aux hydrocarbures. « Beaucoup
d'entre eux sont minés par des conflits ou dirigés par des régimes sclérosés qui n'ont aucune stratégie
économique », reprend Marc-Antoine Eyl-Mazzega. Deux seulement, la Russie et les Emirats arabes unis,
peuvent équilibrer leur balance des paiements avec un baril autour de 30 dollars, selon Euler Hermes.
Tous les autres pays du Golfe et les anciennes républiques soviétiques sont en déficit budgétaire quand le baril
passe sous la barre des 45 dollars. Si les cours restent au niveau actuel, Bahreïn, Oman et le Kazakhstan
verraient leurs déficits extérieurs grimper « à des niveaux susceptibles de perturber les investisseurs et de mettre
leurs devises sous pression », estime l'assureur-crédit.
L'Amérique latine touchée aussi
Bahreïn et Oman pourront compter sur un soutien financier de leurs alliés du Golfe, soucieux d'éviter « une
contagion pour leurs propres devises qui sont indexées sur le dollar ». Le Kazakhstan, en revanche, pourrait être
forcé de dévaluer sa monnaie, comme en 2015. Pour les autres pétromonarchies et la Russie, les déficits seront
« gérables », selon Euler Hermes, même si Moscou subit une forte dépréciation du rouble.
En dehors des grands producteurs, des « petits » du pétrole seront durement frappés eux aussi, bien que leur
économie soit plus diversifiée. L'Equateur et la Colombie perdraient plus d'un point de PIB si le prix du baril
restait à ce niveau pendant un an, estime Euler Hermes. Le Mexique abandonnerait un demi-point de richesse
nationale. « Contrairement à l'Arabie saoudite, aux Emirats ou à la Russie, ces pays ne peuvent pas compenser
la baisse des prix par une hausse de leur production », explique Catharina Hillenbrand-Saponar.
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