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L’annonce d’un plan doté d’un milliard de dollars, financé pour moitié par les Etats du continent, cache mal le
sentiment d’impuissance face à la multiplication des attaques.
Certes, les organisateurs ouest-africains de ce sommet extraordinaire sur la lutte contre le terrorisme n’ont
jamais affiché la folle prétention de trouver en vingt-quatre heures la recette qui casserait du jour au
lendemain la dynamique des groupes armés installés depuis plusieurs années au Sahel et dans le bassin du
lac Tchad. Pas un jour depuis des mois, voire des années, sans que le Mali, le Nigeria, le Niger et
maintenant une partie croissante du Burkina Faso ne comptent leurs morts civils, militaires ou policiers,
insurgés, trafiquants, vrais djihadistes ou opportuns de la cause. Mais il flottait, samedi 14 septembre, à la
salle des conférences de Ouagadougou, la capitale burkinabée, comme un parfum d’impuissance face à
cette menace qui, partie des sables du Sahara, ruisselle dorénavant et dangereusement vers les pays du
golfe de Guinée sans que les Etats concernés ni les armées occidentales ou onusiennes ne parviennent à la
contenir.
Il a fallu attendre dix minutes après le début de la lecture du communiqué final par le président de la
commission de la Communauté économique des pays d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), organisation
sous-régionale initiatrice de cette rencontre, pour enfin entrer dans le catalogue des bonnes intentions. Dix
longues minutes d’introduction pour remercier de leur participation les chefs d’Etat ou de gouvernement des
seize pays de la Cédéao, augmentés de la Mauritanie et du Tchad, concernés au premier plan par l’enjeu
sécuritaire malien. Puis une longue liste d’invités spéciaux, français, allemands, américains, saoudiens ou
algériens, sans oublier l’Union européenne (UE) et d’autres organisations internationales. Autant d’acteurs,
de parrains, d’observateurs ou de bailleurs impliqués dans ces guerres multidimensionnelles, diverses par
leurs ressorts sociaux, communautaires, religieux, et leurs localisations.
La principale annonce, la plus concrète, servie en conclusion, porte sur l’adoption par la Cédéao d’un plan
d’action prioritaire pour « combattre le terrorisme », décliné en huit axes et planifié sur cinq ans (2020-2024),
doté d’un milliard de dollars (903 millions d’euros). Un milliard de dollars, à titre de comparaison, c’est le
budget que l’ONU alloue annuellement à sa mission de maintien de la paix déployée uniquement au Mali.
Sous l’impulsion de la Côte d’Ivoire, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) – autre
organisation sous-régionale destinée à réaliser l’intégration économique de ses Etats membres – financera la
moitié de cette somme. Qui, au sein de la Cédéao, versera le reste ? Selon quel mécanisme ? Et comment
ce milliard sera-t-il « ventilé » entre tous les pays concernés et pour couvrir quels besoins ? La réponse à
toutes ces questions devra être fournie d’ici à décembre et le prochain sommet ordinaire de la Cédéao.
« Risque de métastase de toute la sous-région »
« La menace, grandit, se renforce et descend vers le sud, il y a un risque de métastase au niveau de toute la
sous-région », explique le président nigérien Mahamadou Issoufou. « Il fallait donc que la Cédéao se saisisse
de la question », ajoute celui qui assure cette année la présidence tournante de cette organisation
sous-régionale. Le chef de l’Etat du Niger parle en connaisseur. Son pays connaît le triste sort sécuritaire
d’être encerclé par des régions insurgées au Mali, au Burkina Faso, au Nigeria ou en Libye. « La réponse
que nous avons trouvée est la mobilisation des Etats et la mutualisation de leurs capacités de riposte »,
annonce-t-il. Mobilisation et mutualisation des moyens qui concernent en premier lieu les services de
renseignement, l’armée, la police, les différents ministères appelés à mieux coordonner leurs efforts alors
que leurs ressources sont limitées. « Il faut impérativement tarir la source de financement des groupes terroristes liée notamment au trafic de la drogue arrivant sur les côtes ouest-africaines vers la Méditerranée
», analyse aussi le ministre nigérien de l’intérieur, Mohamed Bazoum.
Le diagnostic ne date pas de ce sommet. Ni les solutions proposées. A ce chapitre, l’expérience mitigée de la
Force armée conjointe du G5 Sahel (FC-G5S), réunissant des contingents militaires de Mauritanie, du Mali,
du Niger, du Burkina Faso et du Tchad, ne prête pas spécialement à l’optimisme. Trois ans après sa création,
la FC-G5S n’a encore rien prouvé de sa capacité à remplir la mission qui lui a été confiée : sécurisation des
frontières, lutte contre le terrorisme et les groupes criminels organisés. Une création, soutenue par la France,
comprenant un nombre réduit d’acteurs et basée sur les mêmes principes de la mobilisation et de la
mutualisation des forces et des moyens. Au contraire, le G5 semble se déliter et risque de se dissoudre au
fur et à mesure que la menace grandit et s’éloigne de sa zone d’intervention.